Home

<<>>
Côté atlantique, Senegal
Casamance ( N 012º35 - E 016º16 ), 2004-02-09
Des zigs-zags, encore...

Kassoumaye,

Nous n'avons décidemment aucune parole : février, et toujours au Sénégal ! A force d'écouter depuis le fleuve Saloum la météo annoncer les coups de vent et autres tempêtes sur le nord... Nous commencions à penser que ce n'est peut-être pas la meilleure période pour aller au Cap-vert. Et puis tous les gens que nous avons croisés qui étaient allés en Casamance en avaient vraiment gardé un très bon souvenir... C'est comme ça qu'on s'est retrouvé en Casamance, encore un fleuve (on s'habitue aux bancs de sable).

Le Saloum ; c'est vraiment un coin tout tranquille, un grand delta, formé de plein de petites îles. Les habitants se déplacent en charrette ou en pirogue, sur les piste de sable. Ils ont l'eau au puits et pas l'électricité, ou un générateur pour les haut-parleurs de la mosquée et de l'église, par exemple. Nous sommes restés un moment à Mar Lodj, un village en majorité catholique. Nous sommes même passés à la messe un dimanche matin : chorale sur fond de percussions et cora (instrument à cordes)... C'est plus sympa qu'en latin ! Sinon, ils vivent de peu, un peu de pêche, un peu d'agriculture (mil, cacahuètes, palmiers), un peu de tourisme, beaucoup de l'air du temps.

D'ailleurs, à part la pêche et les balades il n'y a pas grand-chose à faire. On bricole un peu sur le bateau, on se promène dans la brousse, en faisant des détours pour éviter les vaches (ou gnous ?) en liberté sur les îles, ce qui ne rassure pas Willy. Question bestioles, il y en a beaucoup, mais rien de bien méchant, tant qu'on ne s'aventure pas trop loin des sentiers.

Il y a plein de poissons, par contre, mais ils refusent toujours de mordre à nos lignes. J'espère qu'on aura fait des progrès en pêche d'ici notre départ, parce que pour l'instant, on finit toujours par faire un tour au marché. Il paraît que la première qualité d'un pêcheur est la patience... On se console en allant ramasser des huîtres de palétuvier, c'est beaucoup plus simple, il suffit d'attendre la marée basse. En Gambie, c'est le travail des femmes d'aller les ramasser et de les préparer en les enlevant des coquilles. Elles les vendent 2 francs en mesurant l'équivalent d'une petite boîte de conserve, avant de les emballer dans un bout d'emballage de sac de ciment (pour la traçabilité, ça va, mais l'hygiène est un concept fluctuant).

Donc on prépare la nav pour la Casamance... Pas de difficultés particulières, sauf la passe d'entrée, visiblement il faut se fier aux bouées ; de toutes façons, on n'a pas d'autres indications, alors... Comme dit Willy, il y a juste un banc de sable et une épave à éviter.

La nav est plutôt tranquille, du vent juste comme il faut, une houle de Nord-ouest importante mais longue. Il y a juste les chaluts qui nous posent quelques problèmes : ils changent de cap de façon complètement imprévisible... On se déroute pour les éviter, puis on se rend compte qu'il ont viré eux aussi et qu'on fait encore route de collision ! Ils nous ont fait faire pas mal de détours !

Bref, tout se passe bien, sauf que le vent tombe à un mile de la passe. Ah mais non, ça ne va pas du tout, ça ! Il y a trop de houle pour allumer le moteur, on s'ancre en attendant le vent... Qui ne revient pas vraiment.

Ah, si, peut-être ; on profite d'un petit souffle pour se rapprocher. C'est marrant, plus ça va, plus il y a d'insectes autour du bateau ; mais ce sont des abeilles, et elles s'agglutinent sur le balcon avant ! Ce n'est vraiment pas le moment, il va falloir faire comme si elles n'étaient pas là ; ouais, mais j'en ais jamais vu autant à la fois.

Bon, on y est ; Houlà, c'est ça, la passe !? La houle s'amplifie au fur et à mesure que les fonds remontent, les vagues sont de plus en plus rapprochées et de plus en plus escarpées. Ca déferle de partout, on ne voit même pas où il faudrait passer, il doit y avoir plus de 4 bouées, mais on ne distingue pas les suivantes ! On longe la barre, en essayant de comprendre la route à suivre... Rien à faire, on n'a pas assez de puissance pour passer de toutes façons, on commence à dériver un peu trop vers la côte.

Il ne reste plus qu'à repartir vers le large, en essayant de dériver le moins possible. Qu'est-ce que c'est râlant ! Bon, et qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? Pas envie de repartir faire un rond dans l'eau toute la nuit pour revenir demain matin... On s'ancre un peu au large, avec le bruit des brisants en fond sonore. Inutile de préciser qu'on ne dort quasiment pas de la nuit...

Le matin, on est un peu démoralisés, la houle est encore là, le vent est tombé... Mais on voit un voilier au loin sortir de la passe ; elle est praticable ! Le vent se lève de nouveau, nous voilà gonflés à bloc, on y va !

L'alizé tombe vite, et on commence à dériver au sud-ouest, alors qu'il faudrait aller au nord-est... On n'y arrivera jamais comme ça ! D'autant plus qu'il faut qu'on y soit à temps pour la marée montante. Enfin le vent se relève, et cette fois il vient du nord-ouest. Mais c'est bon, ça ! On commence à y recroire... Et on a raison, on y arrive 1 heure après la marée basse. Ca bouge encore pas mal, mais on a l'impression que ça déferle moins, et puis le vent nous pousse cette fois. Tant mieux parce qu'il est rigoureusement impossible d'allumer le moteur dans ces conditions.

On aperçoit les premières bouées, c'est parti ! On passe les deux premières, les suivantes sont là-bas, OK, les autres... Heu, où elles sont les autres ; hé, mais c'est que là ça déferle à fond, en fait. La houle nous pousse, le vent aussi, bon, on ne peut plus faire demi-tour... Ca y est, je les vois, elles sont là-bas, entre les deux séries de déferlantes.

Là, on n'en mène vraiment pas large. Concentrés, on se fait les mêmes réflexions, sans se le dire : Qu'est-ce qu'on fout là ?! Pas question de faire demi-tour de toutes façons, il faut assurer... Ouais, là, vaut mieux pas qu’on s’échoue.

Les minutes passent lentement, on commence à voir après les déferlantes... Ca y est, on a passé le plus dur. OUF ! Ensuite, c'est long, pour arriver vraiment à l'embouchure, mais beaucoup plus reposant. On commence à se détendre, et à échanger nos impressions. On va peut-être rester un moment, finalement.

Nous sommes récompensés par une escorte de dauphins. On avance tant qu'on peut, il y a beaucoup de filets, on ne peut pas s'ancrer où on avait prévu, et le vent tombe... C'est le moment de démarrer le moteur ; non, il ne veut pas, il fume, il a dû chauffer quand on a essayé de l'allumer en mer. Bon, hé bien ce sera à la voile jusqu'à Ziguinchor.

Le village de Ponta où nous étions ancrés est plutôt sympathique. On passait dans la rue quand Siméon nous a invité à partager une calebasse de vin de palme avec ses amis.

Mais avec plaisir ! Le vin est bien frais, on discute de tout et de rien. Ils habitent tous le village, tous plus ou moins parents. On boit le thé. En fonds sonore, un match de foot, c'est la Coupe d'Afrique des Nations, en ce moment, et le Sénégal est sélectionné pour le quart de finale.

Ensuite, Siméon nous emmène voir le jardin potager qu'il supervise. Les femmes du village y travaillent. Siméon nous explique qu'un italien a payé la clôture et la construction du puits, ils vont le rembourser. Il nous montre comment elles travaillent, elles se fatiguent beaucoup à amener l'eau aux quatre coins du jardin, avec seaux et arrosoirs ; il leur faudrait des bassins et des pompes. Certes certes ; et ils ont pensé à essayé de se regrouper avec d'autres villages, où à faire des gouttières ? Non, non, il faudrait des bassins et des pompes. Bon, d'accord, si on rencontre des gens qui veulent s'investir là-dedans, on transmettra l'info.

Mais, pendant ce temps, les hommes discutent tranquillement autour du vin de palme, dans la cour de Siméon. Peut-être que les femmes seraient moins fatiguées si on les aidait ? Mais ça remettrait toute l'organisation sociale en cause...

Le lendemain, comme d’habitude le vent d'est souffle fort, accompagné d'une brume persistante. On a vent et courant contre nous : Résultat, 5 miles en 3heures et demie, en tirant des bords presque carrés (ça, ça veut dire qu’on n’avance pas !) à cause de la dérive induite par le courant. De toutes façons, le vent tombe et on se met à dériver tout court : on jette l'ancre et on attend la renverse. Tant pis si le vent ne se relève pas, le courant nous fera dériver dans le bon sens.

On repart le soir, avec le courant et juste assez de vent pour gonfler les voiles et être manoeuvrant. On va naviguer au clair de lune... C'est tout calme, le bateau glisse sur l'eau sans bruit, on se guide au GPS. C'est juste un peu inquiétant pour les filets et pirogues de pêcheurs qu'on ne voit qu'au dernier moment.

Mais on avance… Et le jour suivant, ça n'a pas loupé, vent d'est nord-est jusqu'à Ziguinchor. Ca souffle beaucoup, mais cette fois le courant est avec nous. On ne compte plus les virements de bord. Mais c'est payant : nous sommes à Ziguinchor en 3 heures et demie.

FATIGUES... Mais contents. Nous retrouvons la civilisation : des voisins voileux, un marché bien achalandé (après le Saloum, c'est important), un cyber (toutes ces réponses, ça nous fait vachement plaisir), des journaux français... Le bonheur, quoi.

Nous allons rester un peu en ville, avant d’aller se perdre de nouveau au fond des bolons… Pour le Cap-Vert… Dans un moment… On n'est pas si pressé de prendre la passe dans l’autre sens

<<>>
Côté atlantique, Senegal
Casamance ( N 012º35 - E 016º16 ), 2004-02-09
Des zigs-zags, encore...


Z I G Z A G O - Je tribulationne, tu tribulationnes, il/elle tribulationne, nous tribulationons, vous tribulationnez, ils tribulationnent