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Côté atlantique, Cap Vert
Sao Nicolau ( N 016º34 - E 024º21 ), 2004-05-28
Un peu de verdure

Toujours à Sao Nicolau...

L'île est très montagneuse, ce qui rend les déplacements plutôt longs, surtout sur les routes pavées. Toujours le même système d'aluguers, qui s'arrêtent à la demande, et prennent en stop les gens qui n'ont pas de quoi payer ! Ils transportent au besoin d'autres passagers, comme ce bélier qui a tenu compagnie à Willy. Mais le chauffeur, très galant, m'a fait monter devant, et je discute avec lui pendant que Willy compte les crottes de la bête. Ceci dit, le moyen de transport le plus utilisé, c'est la marche à pied.

Des sentiers pavés sillonnent les montagnes, certains villages ne sont accessibles que par ce moyen. On croise donc pas mal de gens en chemin. Des travailleurs avec leur mule ou leurs vaches, des gamins ou des femmes qui vont chercher de l'eau. Les capverdiens marchent, autant que les sénégalais ; mais en plus, ils grimpent. Il faut voir les gamins descendre à fond la caisse en faisant la course, au bruit des bidons qui s'entrechoquent. Les "tanks", réservoirs d'eau de source, ne sont pas exactement à côté des maisons. Certains doivent marcher un bon moment pour y aller. Les gens sont souriants, ils s'arrêtent toujours pour bavarder un peu, on fait des progrès en créole.

Les paysages sont formidables, je suis fascinée par ces murets construits partout où c'était possible, jusqu'aux cols. Les cultures en terrasses sont travaillées jusqu'en haut, presque aux sommets. On diraitque les hommes ont édifié les montagnes, comme des pyramides. Et tous les jours, ils font des kilomètres sur les sentiers, pavés ou non, qui mènent là-haut, souvent pieds nus. Ils ont des pieds de marcheurs, bien larges.
On s'arrête à Fragata, visiter l'école. Au mur de la salle de classe, des slogans illustrent des dessins, du style : "Nous sommes armés d'espérance pour avancer vers demain". Hé oui, le Cap-Vert a été communiste ! Les enfants sont en train de manger, dans un joyeux bordel, qui se calme dès que nous entrons, vingt paires d'yeux soudains braqués sur nous, curieux. Les enfants vont à l'école la moitié de la journée, et le reste du temps, ils aident pour certaines corvées, comme aller chercher de l'eau.

Willy ne peut résister à l'appel du Monte Gordo, le sommet de l'île. Nous voici donc la tête dans les nuages, plus on monte, plus on s'enfonce dedans (évidemment, depuis, il est découvert tous les jours). De là-haut, on aperçoit quand même les autres îles entre deux nuages. Depuis Cachaço, départ de la ballade, on voit des arbres, de la mousse... Quel plaisir de marcher au milieu d'une forêt, de sentir l'humidité à certains endroits ! Et jusque là on trouve des cultures, jusqu'au pied du mont.

En redescendant, on se fait appeler par les habitants d'une maison isolée au bord du chemin, pile au pied du mont. Ils sont en train de manger ; une vieille femme nous montre une assiette remplie de patates douces cuites. Il faut goûter...
Evidemment c'est délicieux, ça vient du champs d'en face. Elle nous en donne à emporter. Un peu plus bas, nous ce sont deux paysans qui nous en donnent encore... C'est trop ! Mais comme au Sénégal, impossible de refuser ; même quand nous montrons les patates que nous avons déjà, ils hochent la tête en souriant, et nous montrent les leurs. Bon, d'accord, mais pas beaucoup alors !

Une autre balade nous promène à flanc de montagne : au bout du sentier, nous arrivons à Preguiça, tout petit village de pêcheurs, en bord de mer.
C'est l'arrivée des pêcheurs, ils débarquent sur une petite plage engoncée entre deux falaises, accessible par des escaliers depuis la route. C'est technique de débarquer là, sur la plage de galets sur laquelle les vagues arrivent vite. Les barques sont décorées, plus discrètement qu'au Sénégal, mais aussi colorées. Un petit signe décore souvent l'avant : une étoile, le sigle de Nike (!)...
Des sacs plastiques voltigent gracieusement dans le ciel... Il y a une volonté politique d'éducation par rapport au rejet des déchets, on voit des pancartes sur toutes les plages, mais il reste du travail.
Le poisson est un peu préparé sur la plage, et ils l'emmènent au marché à la ville. Chouette, du coup on a un aluguer pour repartir, ça sent un peu le poisson, mais c'est plus rapide que nos pieds.

Du coup, nous sommes de retour un peu tôt pour l'invitation que nous a faite Cheikh M'Baye, un sénégalais. Il est vendeur ambulant, comme beaucoup de ses congénères. Ils sillonnent la montagne, de village en village, avec leur sac, rempli de vêtement, parfum, lampe de poche, radio, un peu de tout quoi. La maison où il habite est grande, mais dans chaque pièce vivent plusieurs personnes. La cuisine se fait dans une espèce de cour, les pièces sont autant de chambres, plus une salle de bain commune. La pièce dans laquelle nous sommes compte cinq matelas de mousse, et des sacs de trucs à vendre.
En fait, ils sont très organisés : la " famille " est à Tarrafal ; c'est-à-dire que les sénégalais de l'île se sont regroupés là, ils partagent tout, comme au pays. Ibrahima fait la cuisine pour deux jours, puis ce sera le tour d'un autre, et ainsi de suite. Et c'est parti pour une soirée africaine, on mange le tieb dans une bassine, avec les doigts, à l'africaine. C'est l'enchère, ils nous invitent à revenir tous les soirs, m'appelle Fatou Bintou (fille du prophète mouride), puis Cheikh nous offre deux colliers... Il nous fait boire du Fanta, sorti spécialement pour nous... Ca nous rappelle bien des souvenirs. C'est drôle, ils sont tous dakarois, ici on est un peu de la famille, parce qu'on parle trois mots de wollof et qu'on connaît un peu le pays, mais à Dakar, ils auraient essayé de nous vendre leur trucs comme n'importe quel touriste.

Ils sont plutôt bien accueillis par les capverdiens. Il faut dire que ces derniers connaissent bien les problèmes de l'émigration : chaque famille cap-verdienne compte au moins un émigré. Il y a plus de cap-verdiens habitant à l'étranger que dans le pays ! Je commence à comprendre ce qu'est la "saudade" chantée par Césaria Evora. D'ailleurs, une des premières ressource financière du pays est constituée par l'argent qu'ils envoient ! Et juste à côté, on trouve l'aide internationale...

Mais le temps passe, et nous décidons de lever l'ancre pour Sao Vicente... Nous devions partir dimanche, d'ailleurs tout était prêt... Mais deux heures avant le départ, nous entendons Jean-Marc nous appeller de la berge. Bon, nous regonflons l'annexe et le rejoignons au bar.
Déjà que nous ne sommes pas motivés pour la nav... Ah bon, il y a une fête ce soir ? Je sens que Willy a déjà abandonné l'idée de partir ce soir... Et moi, bof, il faut avouer qu'il ne faut pas longtemps pour me convaincre de rester aussi.
C'est la fête de Santa Cruz. Déjà tout le week-end, tout était fermé, 1° mai oblige, et tout le monde à la plage. Le soir, nous voyions rentrer au port des bateaux de pêche surchargés de monde. En débarquaient un nombre déraisonnable de gens, des glacières, barbecues...

Nous allons donc fêter Santa Cruz ; ça se passe dans un quartier en construction, rues de sable, maisons terminées mais aux parpaings apparents, tas de parpaings... Le parfait décor pour une rave ! Mais ce soir, c'est l'élection de miss Tarrafal. Une petite scène est construite en tôle, décorée de quatre pots de plante. La musique est à fond, bien sûr, et on joue des coudes au comptoir des petits stands de tôle vendant boisson et snacks. Les miss défilent très solennellement, un cavalier les mène sur la scène, et après le baisemain de rigueur, les attend pour la sortie.
Le slow langoureux qui est passé en boucle et à fond, sur laquelle les miss marchent en se déhanchant, me casse les oreilles... Allez, un pontche au son de la funana (musique traditionnelle très joyeuse) diffusé par un poste au stand où m'attendent Jean-Marc et Willy ; changement d'ambiance, je me fais draguer sans équivoque par un capverdien, je comprends la moitié de ce qu'il me dit... Voilà qu'il veut me faire danser maintenant, et il n'est pas jaloux, il a très bien compris que je suis avec Willy, à qui il propose un verre aussi, en répétant à tous bout de champs qu'il n'y a pas de problème.
Les capverdiens n'envisagent pas la vie sans enfants, mais se marient peu. Ils consacrent beaucoup de leur temps à entretenir leur corps. Les gars sont musclés, les filles sexy, et tous soigneusement habillés et coiffés. Enfin, surtout en ville.
Mais je ne suis pas d'humeur ce soir, allez on part. On finit la soirée en enchainant les parties de baby-foot, avec la serveuse du bar, des guinéens un peu saouls, et un gars qui nous bat tous à plate couture...
Le lendemain, la fête continue. Les stands servent encore du grogue, et les sound-system sont à fond... Du boum-boum, je trouve l'ambiance morose, voire triste. Enfin la batucada se constitue, ils arrivent dans la rue en jouant, tambours, une cloche, un buzio. Le son du buzio, sorte de conque, est très doux, il s'entend étonnamment bien au milieu des tambours. Ils s'arrêtent vite pour manger une assiette de cachupa en buvant leur Sagres, bière locale. Tout cela fait un peu conflit de générations... Le boum-boum reprend.

Le soir, on part à Sao Vicente, cette fois, c'est sûr.

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Z I G Z A G O - Je tribulationne, tu tribulationnes, il/elle tribulationne, nous tribulationons, vous tribulationnez, ils tribulationnent