Et hop, en début d'après-midi nous arrivons à Ceuta, en Espagne. Non, nous n'avons pas traversé le détroit mais longé les côtés marocaines : Ceuta est une enclave espagole au Maroc. Et là, changement d'ambiance : c'est le premier jour de feria, la fête de la ville en l'honneur de Santa Maria de Africa. C'est parti pour une semaine de fête foraine, churros y chocolate, tapas, flamenco et procession.
Les garçons et les filles se cotoient sans gêne, les femmes sont habillées en rapport avec la chaleur qu'il fait... J'avoue que ce côté-la représente une bouffée d'oxygène ; plus besoin de calculer quels vêtements mettre, plus de regards inquisiteurs ni de mec se touchant frénétiquement l'entre-jambe sur mon passage. Ici, si je pose une question à quelqu'un, c'est àmoi qu'on répond !
Quoiqu'il en soit, nous retournons au pays du peuple coincé entre Dieu et le Roi, jouer les touristes en laissant le bateau à Ceuta. C'est parfait, nous sommes en août, le mois le plus chaud et le plus touristique !
Nous passons la frontière àpied, rajeunissons du même coup de deux heures, et retrouvons les tobus marocains. Les tobus, dans lequels il faut monter bien avant le départ, ou nous resterons debout dans l'allée. Sagement assis dans une chaleur étouffante, nous pouvons observer le défilé des vendeurs ; de gâteau, cigarette, chocolat, montre, mouchoirs en papier, coran... Il y a de tout.
Tetouan grouille de militaires et policiers : Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L'assiste, est dans son palais. Moyennant quoi la place principale de la médina est bouclée puisqu'elle se trouve devant ledit palais. C'est pas grave, nous faisons le tour pour entrer dans la médina (vieille ville), différente de celles que nous avons vu jusqu'alors : c'est un dédale de rue, à moité couvertes parfois, mais blanchies à la chaux, elle a un air presque un peu andalou, impression renforcée par les balcons ornant les façades de la nouvelle ville. La comparaison s'arrête là.
Nous nous sommes finalement endormis au son de la fontaine musicale de la place voisine de l'hôtel, diffusant haut et fort des tubes allant de la marche militaire àdes airs classique marocains. Je me demande si ils la mettent en marche seulement quand le Roi est là, ou toute l'année... A la place des riverains, je tenterais une action décisive, monter une chorale rivalisant avec la fontaine par exemple... Mouais, pas gagné.
En arrivant à Fès, nous voyons presque plus de touriste en vingt minutes que pendant tout notre séjour au Maroc... Observation qui se confirme pendant la recherche d'hôtel : tout est complet.
Voilà comment nous avons passé trois nuits sur une terrasse, bien entourés : nous étions une quarantaine ; d'où une certaine ambiance de colonie de vacances, à traverser le couloir la serviette sur l'épaule pour aller prendre la douche. Mais si le confort est limité, il y règne une atmosphère détendue, agréable pour se reposer de l'agitation de la ville... Jusqu'àtrois heures du matin, quand le muezzin fait son premier appel àla prière. Il n'est vraiment pas loin...
La médina de Fès est très vaste, et grouillante de monde. Un mot que nous apprenons tout de suite : "Balek !", attention. Il faut se pousser, vite : c'est soit une charette àbras, soit un âne ou cheval chargé de tout et n'importe quoi. Les rues de la médina ne sont pas larges.
Certaines laissent juste la place pour une personne... Celle de gauche était hallucinante, étayée de bout en bout, et de plus en plus sombre, pour finir dans l'obscurité complète. Au début, j'avais l'impression qu'il y avait des travaux partout ; en fait, certaines rues sont étayées en permanence. Et comme ces rues ressemblent parfois plutôt à d'étroit couloirs, il faut les éclairer, ou marcher à tâtons.
Très tôt, la foule est dense, et bruyante. Il est difficile de rester sur place. Sans compter tous les gens qui se proposent de nous aider dès que nous faisons mine de nous arrêter.
Le grand jeu, c'est d'accéder aux toits. Il serait plus juste de parler de terrasses, utilisées pour faire sécher le linge, éventuellement construire une pièce supplémentaire, voire faire dormir des touristes, mais surtout, mettre l'inévitable parabole.
C'est la ville des fontaines, dont j'adore les décorations en céramiques.
Il y a quelque chose àlaquelle je ne m'habitue pas dans la médina : l'odeur ; de crotin, d'urine, de viande (les étals de boucherie sont en plein air). Nous avons pourtant poussé le masochisme jusqu'à aller voir les tanneries... En tongs ; erreur technique, patauger dans un mélange de boue, d'excrément, de reste de viande... Un délice. Tout le travail se fait àla main, et nous ne nous attardons pas, un peu énervés par l'ambiance arnaco-touristique du lieu. Nous ne monterons pas sur les fameuses terrasses admirer les non moins fameux bains de teinture et leur couleurs chatoyantes sous le soleil d'été...
A Meknès nous sommes arrivés pendant la grande prière du vendredi ; je n'avais jamais vu une médina si calme !
Encore beaucoup de touristes, mais nous sommes moins sollicités qu'àFès, ouf !
Il semble nettement y avoir une tolérance vis-à-vis du kif ici : Je vois beaucoup d'hommes utiliser leur petite pipe dans les cafés, sans que cela n'étonne personne.
C'est aussi la première fois que nous observons autant de cafés aux terrasses remplies de joueurs. Nous en avons trouvé un agréable, ombragé sur une place calme. Un homme d'une soixante d'annéees s'approche pour nous engueuler : "Soyez les bienvenus ! Comme nous sommes reçus en France, vous êtes reçus au Maroc. Bon Voyage ! Ah, vous buvez le thé à la menthe comme les marocains. On en trouve pas beaucoup de la menthe en France ! Soyez les bienvenus ! Bon voyage !".
Ah non, en fait c'est plutôt gentil tout ça ; mais le ton est sévère, complètement contradictoire avec les paroles. Il s'éloigne aussitôt qu'il s'est tu. Autour de nous, les gens rigolent doucement.