Etape suivante : Melilla, autre enclave espagnole au nord-est du Maroc. Nous faisons une tentative de régler cette affaire à la frontière...
A Ceuta, nous avons vu des gens partir en vacances ou en revenir, quelques transfrontaliers, de rares personnes remplissant des sacs de produits manufacturés achetés en Espagne... Il doit bien y avoir du traffic, de la contre-bande, mais c'est discret.
Ici, c'est le souk ! Dès l'approche du poste frontière, l'ambiance est glauque. Un camion est déchargé de ses sacs plein de curry, qui sont aussitôt entassés par de cinq ou six sur des vélos ; ils traverseront la frontière comme ça, peut-être pour être rechargés illico dans un autre camion ! Il y a beaucoup de piétons, la plupart d'entre eux très chargés ; la petite vieille devant nous disparaît à moitié sous son énorme baluchons et avance à petits pas. Un peu désorientés par le désordre ambiant, nous la suivons et marchons à côté des voitures. Je suppose qu'en fait nous aurions dû passer à droite, où un groupe de personnes sont regroupées dans un espèce d'enclos ; une porte s'ouvre d'un coup et c'est la ruée vers l'autre côté, le Maroc.
C'est impressionnant : entre les voitures, les piétons marchant
dans le couloir, les autres dont nous sommes circulant au milieu
des véhicules, en tous sens ; des policiers arrêtent
des gens, ça discute, argumente, crie, pleure... Les images
nous évoquent plus un flot de réfugiés fuyant un pays en guerre qu'une frontière.
Arrivés au bureau de douane, nous exposons notre cas à
un responsable, en lui montrant une copie de la facture du port
de Melilla sur laquelle un gardien a certifié que le bateau est bien là-bas, avec tampon, signature...
Le douanier nous répond d'un air dédaigneux que ça
ne va pas, que ce n'est pas un papier valable, et qu'il faut une
véritable attestation traduite en français ou en arabe.
Quand je lui demande pourquoi ce papier ne suffit pas, la réponse
tombe, tranchante et énervée : "Parce que !".
J'ose encore demander ce qui devrait figurer sur l'attestation,
c'est catégorique : "Ce qu'il se doit.". Et je
n'ai pas le temps de finir ma phrase quand j'insiste en m'excusant
de n'être pas habituée à ce genre de... "Hé
bien vous prendrez l'habitude !" me lance-t-il en disparaissant, exaspéré, toujours sur ce ton cassant et hautain n'attendant pas de réponse. L'entre-vue est finie.
Nous battons en retraite. Sur le chemin du retour, je prends conscience du regard des gens, que je voyait de dos à l'aller. C'est de la peur que je vois, surtout chez ce pauvre gars coincé dans un coin du bureau des douanes, un policier posté devant lui donnant un violent coup de pied au ras du sol ; il saigne au-dessous du sourcil. Je comprends aussi que le fonctionnaire auquel nous avons eu à faire n'a pas l'habitude qu'on lui réponde, qu'on lui pose des questions, bref, qu'on s'attende à être traité comme un être humain et non une sous-merde. Ses galons lui donne à peu près tous les droits.
Inutile de préciser que nous n'attendons rien de bon de lui, il trouvera toujours quelque chose à reprocher à tout papier que nous pourrions lui produire... Chez la guardia civil, où nous allons pour obtenir une attestation, que bien sûr ils ne peuvent nous fournir en français, encore moins en arabe, ils nous conseillent de passer par un intermédiaire et de payer un bakchich. Nous refusons d'encourager ces pratiques, mais comprenons qu'il sera impossible de régler le problème à ce poste frontière.
Finalement, nous décidons d'aller au port de Nador, qui partage les digues et la baie avec Melilla. Nous rentrons au Maroc et faisons une sortie dans les règles... Inch Allah.
Du coup, nous abandonnons notre projet de faire un dernier tour au Maroc avant de remonter ; pour l'Algérie, il nous faudrait une lettre d'invitation d'un algérien pour obtenir le visa...
Alors dès que le vent se calme un peu, nous filerons vers la péninsule espagnole, c'est moins compliqué.
Peut-être arriverons-nous de nouveau pour la feria... Ca a été le cas pour Melilla. Elle s'est terminée hier, la ville retrouvé son calme, et la police 42 clandestins dans les camions des forains retournant en péninsule. Hier, c'est 300 personnes, majoritairement d'Afrique sub-saharienne, qui ont appliqué la technique de l'avalanche : c'est simple, ils partent du principe que si autant de gens foncent en courant à travers la frontière, les policiers ne pourront pas TOUS les arrêter. Et c'est marrant, aujourd'hui en se promenant en ville, on voyait beaucoup de noirs...