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La vie en bateau s'articule en deux temps : la navigation et les escales... La plupart du temps, nous ne naviguons pas ; les longues traversées sont rares (traverser l'Atlantique représente deux à trois semaines, normalement).
La vie en bateau, c'est prendre l'apéro avec des amis dans une petite crique accessible seulement par la mer, donc déserte, mis à part vos deux bateaux. Le voilier se balance doucement. Le soleil se couche ; tout est calme, les oiseaux se réveillent, les dauphins se mettent en chasse et vont voler les poissons... Nous apprécions la fraîcheur du crépuscule...

C'est une jolie carte postale, mais ce n'est pas que ça : Il a fallu y arriver, dans la petite crique en question...

Une vie "raisonnée"

Nous dépendons de notre voilier, qui est à la fois notre mode de déplacement ET notre habitation.
Généralement, il faut donc penser à lui avant de penser à soi : Nous allons où il nous permet, et nous l'entretenons pour lui permettre de nous emmener plus loin.

En règle générale, nous n'avons pas droit à l'erreur : Il ne s'agit pas de devenir maniaque, mais ne jamais repousser à plus tard ; nous sommes interdits de fainéantise ! Nous apprenons vite que des détails peuvent engendrer des catastrophes ; par exemple, nous venons de faire un virement de bord, laissant le bout en spagheti au fond du cockpit pour souffler cinq minutes... Qui se transforment en une heure, le temps est beau, tout va bien. Oui mais, soudain, le vent monte, rapidement, et il faut virer vite car nous venons de voir un cargo arrivant en face. Rien de difficile, sauf que c'est là que nous nous rendons compte que des noeuds dans le bout l'empêche de passer dans la poulie : nous ne pouvons pas virer, et passons des minutes angoissantes à essayer de défaire ces satanés noeuds qui nous empêchent d'éviter le poids lourd qui nous fonce dessus. Mais pourquoi n'avons-nous pas rangé avant de se reposer ?
Un exemple parmi mille, où comment une petite difficulté peut se transformer en catastrophe en quelques minutes.

Une gestion quotidienne

En navigation nous vivons en totale autarcie, et de manière générale, nous sommes très autonomes.
Nous surveillons notre consommation, surtout d'eau et d'énergie.
Aux escales, le réapprovisionnement occupe habituellement les premiers instants : trouver un point d'eau, des fruits et légumes... Nous stockons ce dont nous avons besoin, sans excès.

Au port, c'est facile, comme dans un camping, nous nous branchons à une borne et avons presque l'eau courante, et plus d'électricité que nous en avons besoin... Enfin, dans les ports qui disposent de ce luxe ! C'est à dire quasiment partout en Méditerranée, un peu moins ailleurs.

Proche de la nature

La météo

La météo nous impose sa règle du jeu, changeante et quelquefois imprévue : A moins d'être bien à l'abri au fond d'un port, nous nous soucions tous les jours du temps qu'il fera.

Concrètement, en navigation, nous surveillons l'évolution du temps en continu, et adaptons les voiles en conséquence.
Et au mouillage... c'est pareil !
A l'arrivée, nous essayons d'imaginer ce qui se passera si le vent monte, ou change de direction, si de la houle rentre dans la baie... Nous choisissons notre emplacement en fonction, et pensons de suite à une "issue de secours".
Ensuite, nous sommes attentifs aux changements : Ce n'est pas quand la tempête sera installée que nous pourrons partir, il faut anticiper et aller se réfugier tant que le temps est maniable dans un refuge repéré auparavant, ou aller en mer (la plupart du temps le voilier, donc ses passagers, sera plus en sécurité en mer que coincé entre des roches)

Je vous vois impressionnés, nous imaginant en train de lutter au milieu du déchainement des éléments... La première contrainte que nous observons dans ce domaine, c'est d'éviter les problèmes ! Par exemple, peu de chance de nous trouver aux Antilles entre juin et octobre, saison des cyclones.

En tous cas, surtout sans moteur, nous avançons sur le long chemin de l'apprentissage de la patience et de la résignation. A chacune de nos confrontation avec la nature (manque de vent, trop de vent, grosses vagues...), nous reprenons conscience de la dimension de l'homme sur terre... Tout petit, petit-petit-petit, bref, un insignifiant vermisseau.

La vie au grand air

Nous sommes en contact permanent avec l'extérieur, que nous soyons dans l'espace restreint du voilier, dans le cockpit ou sur le pont. Même à l'intérieur, la journée n'est pas la même s'il pleut ou s'il fait beau. Nous savons de suite quel temps il fait ; ainsi, le bruit est souvent présent : celui des gouttes sur le pont ou du vent dans les haubans.

Nous apprécions ce contact, même s'il est parfois source de gêne. Une fois de plus, nous avons appris à nous adapter à la situation plutôt que d'essayer de la changer, en trouvant des solutions simples (nous réinventons ainsi souvent d'anciennes techniques) : il nous apparaît par exemple inconcevable (même si c'est techniquement possible) d'utiliser la climatisation, quand nous pouvons créer un courant d'air pour rafraîchir le bateau, et avoir chaud, ce qui est normal en été (pour l'instant) !

C'est surtout une source de satisfaction, quand par exemple nous apercevons des animaux marins, notamment les dauphins qui viennent souvent jouer avec l'étrave du bateau. Ou quand nous nous régalons de produits frais, puisque sans frigo nous privilégions les légumes et fruits de la saison, n'étant pas passés en chambre froide. Dans beaucoup de pays il reste possible d'aller faire son marché directement dans le jardin...

Nous renouons aussi avec "notre" nature. La vie en bateau, même hors des navigations, suppose des efforts physiques quotidiens... Ne serait-ce que pour monter à bord ! Mais aussi porter des bidons d'eau, ramer pour aller à terre, se déplacer à pieds ou à vélo puisque bien sûr nous n'avons pas de voiture...

Après quelques années de ce régime, nous nous sentons bien dans nos corps et aurions du mal à l'abandonner.

Et proche des hommes

Notre couple s'est peu à peu adapté à la vie à deux, en voyage et dans cet espace restreint. En outre, la navigation constitue une période particulière, de solitude et d'introspection. Peut-être est-ce pour cela que la relation aux autres est très importante pour nous.

Entre voileux : une entraide forte

Entre voyageurs et plus particulièrement voileux, les rencontres sont faciles : nous sommes loin de nos familles et amis, et donc avides de nouveaux échanges.
Cela se fait tout naturellement puisque nous voyons les "voisins" arriver ou partir. Si cela s'y prête, nous donnons un coup de main et la discussion s'installe toute seule ; échanges d'informations, apéros...
Dans les endroits où l'on s'attarde, il se crée une ambiance de petit village, avec ses bons (convivialité) et mauvais côtés (manque d'intimité, surtout au port).

De plus, le monde des voileux est petit ; les rencontres sont souvent éphèmères, mais les liens sont noués et il n'est pas rare de se retrouver des années plus tard, ou de rencontrer un ami commun qui nous donnera des nouvelles...

Chez les locaux : des curiosités

Nous sommes souvent perçus comme des gens riches (dans beaucoup de pays dont la France, avoir un voilier est un statut social, un signe extérieur de richesse), alors que... Bref, vous savez. Il est vrai que nous allons dans des pays, où nous possédons beauoup plus que certaines personnes ne pourront avoir en toute leur vie. Cette perception change bien sûr quand les gens font plus ample connaissance avec nous.

Ceci dit, nous sommes traités comme des gens à part : ni autochtones, ni touristes. Dans un village du Sénégal, Jean nous avait dit : "Vous agrandissez le quartier.".
En effet nous avons des besoins qui ressemblent à ceux des populations locales : trouver de l'eau, du gaz, faire ses courses... Nous pouvons rester assez longtemps pour tisser des liens avec les personnes que nous rencontrons ; et les inviter chez nous, dans les pays où c'est permis.

Par ailleurs, ce statut de voileux nous confronte de fait à une réalité très présente : l'émigration. Nous ne comptons plus les propositions, des plus naïves au plus cyniques.

Avec les proches : une inquiétude discrète

Nos familles respectives ont accueilli la nouvelle avec plus ou moins de bonheur, mais n'ont jamais essayé de nous en dissuader.
A l'éloignement du voyage s'ajoute l'inquiétude de nous savoir en mer... Bien présente mais discrète ; ce n'est pas évident de rester tranquille en imaginant ses enfants au milieu de toutes ces vagues scélérates (merci).

N'hésitez pas à nous faire part de vos questions ou remarques sur le forum.

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